Le

Pastel

Le Pastel du Pays de Cocagne

Le Pastel, cette plante magique a permis de teindre bon nombre de tissus dans tous les tons de bleus et a fait la richesse du Pays de Cocagne. Découvrez sa spécificité, son histoire, et son actualité.

Le Pastel, la plante du bleu  

Le Pastel, aussi appelé guède ou Isatis tinctoria, est une plante aux fleurs jaunes comme le colza et dont les feuilles ont une incroyable capacité : elles donnent du colorant bleu. La couleur bleue est la plus difficile à obtenir de manière naturelle puisque, concrètement, elle n’existe pas. Après tout, le ciel et l’eau ne sont-ils pas seulement des accumulations de vide ? De ce fait, peu de plantes permettent d’obtenir du colorant bleu mais chaque région a la sienne : l’indigo des Indes, l’indigo du Japon, l’indigo des Amériques… et ici, en Europe, le pastel, qui a donné le nom de « Pays de Cocagne » à tous les territoires où il était cultivé. Une cocagne est une boule formée à la main avec des feuilles de pastel séchées. Elle permet de conserver et de transporter facilement le pigment contenu dans les feuilles de pastel, et qui était ensuite utilisé dans des cuves servant à la teinture. Il était connu que, plus les cocagnes étaient laissées à sécher, plus grande était la qualité du pigment. Ainsi est née la légende du Pays de Cocagne, pays d’abondance et de paresse, pays où plus nous dormons et plus nous nous enrichissons.

Mais, aujourd’hui, quand nous prononçons le mot « pastel », nous pensons en premier lieu à une nuance de couleur ou aux bâtonnets utilisés par les artistes pastellistes. Et en effet, ce n’est pas une simple coïncidence ! L’écume apparaissant à la surface des cuves de teinture, « la florée de pastel », était récupérée et mise à sécher. Une fois bleue et sèche, la florée était transformée en poudre et compactée en bâtonnets très prisés par les artistes. Dans les premiers temps, ces bâtonnets servaient à faire de la peinture ou à dessiner des motifs sur les soieries, avant d’être utilisés directement sur des toiles et créés en différents coloris. Ce sont les fameux pastels, gras ou secs, et les nuances pastelles que nous connaissons bien aujourd’hui.

 

Le Pastel, son histoire  

Avec l’ascension du culte de Marie aux XVe et XVIe siècles, le bleu, cette couleur jusqu’alors peu aimée à cause de son rapprochement au deuil, a été en vogue dans toute l’Europe, à un point tel que les teinturiers du bleu étaient bien plus sollicités que les teinturiers du rouge, qui avaient toujours dominé le marché. Ainsi s’est développé un véritable commerce international de colorant bleu provenant du pastel, puisqu’aucune autre plante en Europe à ce moment-là ne pouvait en produire en quantité suffisante. Ce commerce a énormément enrichi la terre de prédilection du pastel, l’actuelle Occitanie, et plus précisément le fameux Triangle d’Or Toulouse-Albi-Carcassonne. Plusieurs négociants de pastel étaient si riches qu’ils ont profondément marqué le paysage des villes en construisant de somptueux hôtels particuliers. Les cocagnes de pastel étaient donc fabriquées sur ces terres et envoyées depuis Toulouse à bord de gabarres à travers toute l’Europe, jusqu’en Espagne, en Italie et en Angleterre.

A partir du XVIe siècle, l’indigo de l’indigotier des Amériques arrive massivement en Europe et permet, mélangé à l’indigo du pastel, d’obtenir des bleus plus foncés. Malgré plusieurs mesures de protection et d’interdiction dont la sanction allait jusqu’à la peine de mort, l’indigo de l’indigotier des Amériques prendra de plus en plus de place dans les cuves de teinture, grâce notamment à la puissance de son pigment et à son faible coût permis par la récolte exercée par des esclaves. L’été 1560, très pluvieux, détériore la qualité du pastel et provoque une faillite chez les négociants. Les guerres de religion et la concurrence finissent d’abattre le commerce. Seulement quelques années durant le Blocus Continental signé par Napoléon Bonaparte, entre 1806 et 1814, le pastel sera de nouveau utilisé pour teindre des tissus en bleu, sans grand succès.

 

Le Pastel, aujourd'hui 

Dans la première moitié du XXe siècle, les recherches universitaires redécouvrent peu à peu l’histoire du pastel, notamment grâce à l’initiative de Camille Jullian, philologue et membre de l’Académie française, qui demanda en 1912 à Prosper Boissonnade, historien et économiste, de rédiger un article sur la culture du pastel au Moyen-Âge. Puis, en 1962, Gilles Caster, historien toulousain, publie ses recherches approfondies du commerce pastelier dans un ouvrage de grande qualité, pour lequel il reçoit le Prix Georges Goyau, et qui reste aujourd’hui encore une référence. Trois ans plus tard, en 1965, le tisserand d’art et teinturier Gilbert Delahaye emménage à Cordes-sur-Ciel et apprend, lors d’un stage de teinture à l’indigo de Lydie Nencki, l’histoire du pastel. Enthousiasmé, et déterminé à obtenir du pigment de pastel, il se lance en 1974, en compagnie de Lydie Nencki et de ses élèves, dans la culture et les expérimentations de la plante. Au même moment, Patrice George Rufino, journaliste et historien, achète le château de Magrin et, y découvrant des anciens séchoirs à pastel, y fonde le Musée du Pastel. En 1994, le couple bruxellois, Henri et Denise Lambert, emménage à Lectoure et y ouvre le premier atelier-boutique, Bleus de Pastel. Ensemble, ils relancent la teinture au pastel et participent à faire connaître son histoire à travers l’Occitanie. En parallèle, en 1990, Naïma Iba, étudiante en chimie à Toulouse, publie une thèse sur les vertus dermatologiques de l’huile de pastel, jusqu’alors inconnues.

Aujourd’hui, même si la belle plante qu’est le pastel ne nous a pas encore livré tous ses secrets, nous pouvons retrouver à travers toute l’Occitanie, et parfois même au-delà, plusieurs teinturiers du bleu, teignant à la main et de manière naturelle comme autrefois, mais également des produits beaux-arts dans toutes les nuances de bleu et des produits cosmétiques à base d’huile de pastel. Il ne s’agit plus d’une histoire vaguement connue mais d’un patrimoine vivant et adoré pour ses mystères, d’une réelle filière tournée vers l’avenir, préoccupée par le bien-être de tous et par un retour au naturel.

 

Le Pastel, les bonnes adresses 

Les teintureries :

Les boutiques :

  • La Maison de Lise, à Saint-Sulpice-la-Pointe

Pour aller encore plus loin... découvrez les Carnets de Voyages en Pays de Cocagne peints au pigment de pastel par Julien Guinet sur @bleudepastel !

 

Télécharge le guide du Pays de Cocagne